Friday, October 17, 2008

Time thickening

On Sunday I went to a Coffee Concert by John Myewrscough (cello) and Lara Dodds-Eden (piano). They played various compositions among which the mind-blowing Cello Sonata n° 1 by Alfred Schnittke (1934-1998). Here I just want to talk about a thought that came to me during the concert.

The enjoyment of music increases with the ability to "grasp" with the mind a piece of melody as a whole -- at once. I mean as a unique entity rather than as a succession of individual notes (Husserl tried to explain the possibility of such a thing in his Vorlesungen zur Phänomenologie des inneren Zeitbewusstseins). The broader the perception of a fragment of music, the deeper the pleasure (think about Mozart who was able to restitute an entire concerto after hearing it only once...). So listening to music encourages the development of the ability to grasp longer periods of time instantaneously, i.e. to have them "present" interiorly as sensations.

This is how music enriches our existences : by teaching us how to thicken our present time.

(The cellist's name contains the name "Myers", so I'll call that the timelike Myers effect ; )

Tuesday, October 14, 2008

Schubert : Winterreise

I finally overcame my aversion for classical singing : ) I think the key factor was the realisation of the importance of the lyrics, without which the songs often sound like empty gargles to me.

I went to the Oxford Lieder Festival to hear Florian Boesch (bass baritone) and Andrew West (piano) play Schubert's Die Winterreise ("The Winter Journey"), composed in 1827, one year before his death at age 31. It is based on a cycle of 24 poems written by the (also short-lived) poet Wilhelm Müller (1794-1827).

The organizers had the presence of mind to distribute the full text of the poems, and I followed them closely during the entire concert. I only looked at the stage occasionally to see Boesch's raging face, which would have scared the most pitiless murderers. The story of Winterreise is about a man that has to leave the house of his fiancée -- for an unknown reason (the pre-concert speaker mentioned something about her getting married to a rich man...) -- and shouts out his anger and sadness as he wanders across wintry landscapes. He's going through a succession of phases from deep despair to vain attempts at cheering up, from a sparkle of hope to impatience for death. His journey finally leads him to a graveyard, but he's pissed off not to find an unoccupied grave and keeps on walking against the snow storm in an outburst of nihilist courage :

Lustig in die Welt hinein
Gegen Wind und Wetter !

Will kein Gott auf Erden sein,

Sind wir selber Götter !


The two last songs then appear as mysterious epilogues :

xxiii. Die Nebensonnen

Drei Sonnen sah ich am Himmel stehn,

Hab' lang' und fest sie angesehn ;

Und sie auch standen da so stier,

Als wollten sie nicht weg von mir.

Ach, meine Sonnen seid ihr nicht !
Schaut Andren doch in's Angesicht !

Ja, neulich hatt' ich auch wohl drei ;

Nun sind hinab die besten zwei.

Ging' nur die dritt' erst hinterdrein !

Im Dunkeln wird mir wohler sein.


xxiv. Der Leiermann

Drüben hinter'm Dorfe

Steht ein Leiermann

Und mit starren Fingern

Dreht er, was er kann.


Barfuss auf dem Eise

Wankt er hin und her ;

Und sein kleiner Teller

Bleibt ihm immer leer.


Keiner mag ihn hören,

Keiner sieht ihn an,

Und die Hunde knurren

Um den alten Mann.


Und er lässt es gehen
Alles, wie es will,

Dreht und seine Leier

Steht ihm nimmer still.


Wunderlicher Alter,

Soll ich mit dir gehn ?

Willst zu meinen Liedern

Deine Leier drehn ?



The picture shows a "Leier" ("vielle à roue" in French ; I remember my grandfather use to have one of those instruments that always fascinated me). In this last song, I understand it as a symbol of an implacable periodic cycle that transcends men's miserable finiteness. The organ-player looks weak and insane, an outcast, but it is the disguise of ultimate wisdom, whose concern is stretching beyond death.

The lover's misfortune should not be taken too literally but rather as an illustration of a more universal departure from a state of being where meaning was god-given (some sort of Garden of Eden) towards an absurd world depraved of unquestionable foundations (the speaker had presented Schubert as a predecessor of Nietzsche...). After having gone through all stages of despair, touching the bottom in the graveyard, he finds an unexpected solution : although life has lost the a priori meaning it use to have in more rudimentary periods, it is still possible (and necessary) to make sense of it by its representation in the arts [and sciences], and in particular music. The Leiermann is a symbol of the lover's creative drive.

The 24 songs properly form a cycle in the sense that they themselves are the response to the last question : "Willst zu meinen Liedern / Deine Leier drehn ?" By listening to them the empathic audience has participated in their transfiguration by acknowledging and validating their representational power.

Monday, October 6, 2008

Les deux clochers de Martinville

"
[...] Une fois pourtant,—où notre promenade s’étant prolongée fort au delà de sa durée habituelle, nous avions été bien heureux de rencontrer à mi-chemin du retour, comme l’après-midi finissait, le docteur Percepied qui passait en voiture à bride abattue, nous avait reconnus et fait monter avec lui,—j’eus une impression de ce genre et ne l’abandonnai pas sans un peu l’approfondir. On m’avait fait monter près du cocher, nous allions comme le vent parce que le docteur avait encore avant de rentrer à Combray à s’arrêter à Martinville-le-Sec chez un malade à la porte duquel il avait été convenu que nous l’attendrions. Au tournant d’un chemin j’éprouvai tout à coup ce plaisir spécial qui ne ressemblait à aucun autre, à apercevoir les deux clochers de Martinville, sur lesquels donnait le soleil couchant et que le mouvement de notre voiture et les lacets du chemin avaient l’air de faire changer de place, puis celui de Vieuxvicq qui, séparé d’eux par une colline et une vallée, et situé sur un plateau plus élevé dans le lointain, semblait pourtant tout voisin d’eux.

En constatant, en notant la forme de leur flèche, le déplacement de leurs lignes, l’ensoleillement de leur surface, je sentais que je n’allais pas au bout de mon impression, que quelque chose était derrière ce mouvement, derrière cette clarté, quelque chose qu’ils semblaient contenir et dérober à la fois.

Les clochers paraissaient si éloignés et nous avions l’air de si peu nous rapprocher d’eux, que je fus étonné quand, quelques instants après, nous nous arrêtâmes devant l’église de Martinville. Je ne savais pas la raison du plaisir que j’avais eu à les apercevoir à l’horizon et l’obligation de chercher à découvrir cette raison me semblait bien pénible; j’avais envie de garder en réserve dans ma tête ces lignes remuantes au soleil et de n’y plus penser maintenant. Et il est probable que si je l’avais fait, les deux clochers seraient allés à jamais rejoindre tant d’arbres, de toits, de parfums, de sons, que j’avais distingués des autres à cause de ce plaisir obscur qu’ils m’avaient procuré et que je n’ai jamais approfondi. Je descendis causer avec mes parents en attendant le docteur. Puis nous repartîmes, je repris ma place sur le siège, je tournai la tête pour voir encore les clochers qu’un peu plus tard, j’aperçus une dernière fois au tournant d’un chemin. Le cocher, qui ne semblait pas disposé à causer, ayant à peine répondu à mes propos, force me fut, faute d’autre compagnie, de me rabattre sur celle de moi-même et d’essayer de me rappeler mes clochers. Bientôt leurs lignes et leurs surfaces ensoleillées, comme si elles avaient été une sorte d’écorce, se déchirèrent, un peu de ce qui m’était caché en elles m’apparut, j’eus une pensée qui n’existait pas pour moi l’instant avant, qui se formula en mots dans ma tête, et le plaisir que m’avait fait tout à l’heure éprouver leur vue s’en trouva tellement accru que, pris d’une sorte d’ivresse, je ne pus plus penser à autre chose. A ce moment et comme nous étions déjà loin de Martinville en tournant la tête je les aperçus de nouveau, tout noirs cette fois, car le soleil était déjà couché. Par moments les tournants du chemin me les dérobaient, puis ils se montrèrent une dernière fois et enfin je ne les vis plus.

Sans me dire que ce qui était caché derrière les clochers de Martinville devait être quelque chose d’analogue à une jolie phrase, puisque c’était sous la forme de mots qui me faisaient plaisir, que cela m’était apparu, demandant un crayon et du papier au docteur, je composai malgré les cahots de la voiture, pour soulager ma conscience et obéir à mon enthousiasme, le petit morceau suivant que j’ai retrouvé depuis et auquel je n’ai eu à faire subir que peu de changements:

«Seuls, s’élevant du niveau de la plaine et comme perdus en rase campagne, montaient vers le ciel les deux clochers de Martinville. Bientôt nous en vîmes trois: venant se placer en face d’eux par une volte hardie, un clocher retardataire, celui de Vieuxvicq, les avait rejoints. Les minutes passaient, nous allions vite et pourtant les trois clochers étaient toujours au loin devant nous, comme trois oiseaux posés sur la plaine, immobiles et qu’on distingue au soleil. Puis le clocher de Vieuxvicq s’écarta, prit ses distances, et les clochers de Martinville restèrent seuls, éclairés par la lumière du couchant que même à cette distance, sur leurs pentes, je voyais jouer et sourire. Nous avions été si longs à nous rapprocher d’eux, que je pensais au temps qu’il faudrait encore pour les atteindre quand, tout d’un coup, la voiture ayant tourné, elle nous déposa à leurs pieds; et ils s’étaient jetés si rudement au-devant d’elle, qu’on n’eut que le temps d’arrêter pour ne pas se heurter au porche. Nous poursuivîmes notre route; nous avions déjà quitté Martinville depuis un peu de temps et le village après nous avoir accompagnés quelques secondes avait disparu, que restés seuls à l’horizon à nous regarder fuir, ses clochers et celui de Vieuxvicq agitaient encore en signe d’adieu leurs cimes ensoleillées. Parfois l’un s’effaçait pour que les deux autres pussent nous apercevoir un instant encore; mais la route changea de direction, ils virèrent dans la lumière comme trois pivots d’or et disparurent à mes yeux. Mais, un peu plus tard, comme nous étions déjà près de Combray, le soleil étant maintenant couché, je les aperçus une dernière fois de très loin qui n’étaient plus que comme trois fleurs peintes sur le ciel au-dessus de la ligne basse des champs. Ils me faisaient penser aussi aux trois jeunes filles d’une légende, abandonnées dans une solitude où tombait déjà l’obscurité; et tandis que nous nous éloignions au galop, je les vis timidement chercher leur chemin et après quelques gauches trébuchements de leurs nobles silhouettes, se serrer les uns contre les autres, glisser l’un derrière l’autre, ne plus faire sur le ciel encore rose qu’une seule forme noire, charmante et résignée, et s’effacer dans la nuit.» Je ne repensai jamais à cette page, mais à ce moment-là, quand, au coin du siège où le cocher du docteur plaçait habituellement dans un panier les volailles qu’il avait achetées au marché de Martinville, j’eus fini de l’écrire, je me trouvai si heureux, je sentais qu’elle m’avait si parfaitement débarrassé de ces clochers et de ce qu’ils cachaient derrière eux, que, comme si j’avais été moi-même une poule et si je venais de pondre un oeuf, je me mis à chanter à tue-tête.

"

Sunday, October 5, 2008

Les délices de Proust

Dans une note précédente, je rapprochais inopinément le passage de la petite cuillerée de Proust d'un extrait des Paradis Artificiels de Baudelaire.
Que ce soit une allusion délibérée de Proust, c'est dur à dire, mais ce qui est sûr c'est qu'il tenait Baudelaire en grande estime, comme l'atteste son fameux questionnaire de 1889-90 :

"Mes poètes préférés. - Baudelaire et Alfred de Vigny."

De plus, un peu plus loin dans Combray Baudelaire est explicitement nommé :

"[...] cette sorte de tendresse, de sérieuse douceur dans la pompe et dans la joie qui caractérisent certaines pages de Lohengrin, certaines peintures de Carpaccio, et qui font comprendre que Baudelaire ait pu appliquer au son de la trompette l’épithète de délicieux."

On peut donc penser que dans le cerveau de Proust le mot "délicieux" est relié par un certain nombre de synapses à l'image de Baudelaire. Grâce à Wikisource c'est très facile de rechercher toutes les occurrences de ce mot dans Combray. Il apparaît notamment dans ce passage important où le petit Marcel, mortellement angoissé d'avoir été envoyé au lit sans que sa mère, retenue par des invités, ne vinsse l'embrasser, lui a envoyé un billet par l'intermédiaire de la domestique Françoise :

"[...] puisque cette salle à manger interdite, hostile, où, il y avait un instant encore, la glace elle-même — le « granité » — et les rince-bouche me semblaient receler des plaisirs malfaisants et mortellement tristes parce que maman les goûtait loin de moi, s’ouvrait à moi et, comme un fruit devenu doux qui brise son enveloppe, allait faire jaillir, projeter jusqu’à mon cœur enivré l’attention de maman tandis qu’elle lirait mes lignes. Maintenant je n’étais plus séparé d’elle ; les barrières étaient tombées, un fil délicieux nous réunissait. Et puis, ce n’était pas tout : maman allait sans doute venir !"

(C'est moi qui souligne [sic].) Sa ruse échoue mais il joue le tout pour le tout et descend surprendre sa mère une fois les invités partis. Elle veut le gronder mais son père est suffisamment clairvoyant pour s'apercevoir de sa détresse profonde et les invite, exceptionnellement, à passer la nuit ensemble [il y aurait beaucoup à dire sur les résonances œdipiennes de cet épisode...]. Voici comment Marcel relate la suite :

"Maman s’assit à côté de mon lit ; elle avait pris François le Champi à qui sa couverture rougeâtre et son titre incompréhensible donnaient pour moi une personnalité distincte et un attrait mystérieux. Je n’avais jamais lu encore de vrais romans. J’avais entendu dire que George Sand était le type du romancier. Cela me disposait déjà à imaginer dans François le Champi quelque chose d’indéfinissable et de délicieux. Les procédés de narration destinés à exciter la curiosité ou l’attendrissement, certaines façons de dire qui éveillent l’inquiétude et la mélancolie, et qu’un lecteur un peu instruit reconnaît pour communs à beaucoup de romans, me paraissaient simples — à moi qui considérais un livre nouveau non comme une chose ayant beaucoup de semblables, mais comme une personne unique, n’ayant de raison d’exister qu’en soi — une émanation troublante de l’essence particulière à François le Champi. Sous ces événements si journaliers, ces choses si communes, ces mots si courants, je sentais comme une intonation, une accentuation étrange."

Ce que je trouve intéressant dans ces passages c'est que l'épithète "délicieux" semble lié, chez Proust, d'une part à la figure de la mère, mais aussi, et surtout (en tout cas pour mon propos présent), à l'écriture et à la lecture : ce "fil délicieux" que sa mère "lirait" c'est le billet qu'il lui a écrit, peut-être une des premières choses qu'il ait écrites de sa propre impulsion, sans y être invité par un professeur, lui faisant soudain sentir l'importance vitale que peut avoir l'écriture. Mais la soirée est encore plus riche en révélations, car le petit Marcel va entendre de la bouche de sa mère adulée la lecture de son premier "vrai roman". Et ce qu'il trouve "délicieux", ce n'est pas, comme pour la plupart des enfants, le pouvoir captivant de l'histoire, le suspens, mais ce qui se cache derrière eux, de nature intrinsèquement littéraire, à savoir les "procédés de narration". Pas la surface du roman, mais bien sa structure interne, comme seul la verrait un écrivain. Et de fait c'est bien ce qu'il est devenu ce soir-là, notre petit Marcel, un écrivain, car il a fait lui-même l'expérience de la puissance de l'écrit comme vecteur de nos émotions les plus intenses.

La dernière phrase du second extrait, avec cette opposition "commun/étrange", fait écho à l'épisode de la petite madeleine, où une banale cuillerée provoque quelque chose "d'extraordinaire" en Marcel. Je vous le donne en mille :

"Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause".

Cette cause qui échappe aux tentatives enfantines pour la découvrir, l'épithète "délicieux" nous la révèle cependant : c'est le plaisir littéraire ! Mais un plaisir littéraire ici à l'état bruto-brut. Je m'explique. La petite madeleine, gorgée de thé, est aussi gorgée de sens pour Marcel [oui je fais dans la métaphore facile -- un problème ? ; )]. Elle contient le souvenir du temps (et de l'espace !) où la tante de Marcel lui donnait des morceaux de madeleine trempés dans le tilleul, le dimanche matin, à Combray (c'est un roman ; c'est CE roman). Cette essence précieuse dont la madeleine remplit Proust ("ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi.") n'est rien d'autre que la narration littéraire.

À l'appui de cette thèse, cette phrase de Baudelaire, toujours dans les Paradis Artificiels :

"le délire poétique ressemble à celui que m’a procuré une petite cuillerée de confiture [...]"

Et je ne résiste pas à citer encore un passage d'une beauté ahurissante, qui clôt la première partie de Combray :

"Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.

Et dès que j’eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s’appliquer au petit pavillon donnant sur le jardin, qu’on avait construit pour mes parents sur ses derrières (ce pan tronqué que seul j’avais revu jusque-là) ; et avec la maison, la ville, la Place où on m’envoyait avant déjeuner, les rues où j’allais faire des courses depuis le matin jusqu’au soir et par tous les temps, les chemins qu’on prenait si le temps était beau. Et comme dans ce jeu où les Japonais s’amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d’eau de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s’étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l’église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé."

Saturday, October 4, 2008

Timbuktu

Take a tower in a town.
Face it.
Compare the apparent widths of its base and of its top.
Notice the latter is smaller.
Conclude the tower is apparently trapezoidal.

In case you think it's a classical perspective effect (i.e. all lines seem to converge to a fixed point), repeat the experience, but now with a very broad building (a palace if you can ; or if you liked it when it was vertical, imagine yourself at the top of a tower adjacent to the 8:46 Twin Tower...), and compare the apparent height of its centre to those of its lateral extremities.
Notice the latter are smaller.
Conclude the palace is apparently an almond.


I remember reading in an art theory book (possibly by Gombrich) that this effect is merely an illusion because you actually have to turn your head to compare the different part of the building, so that in the end you're comparing quantities that shouldn't be... I was never able to make sense of this argument : even with my eyes fixed on the centre, my peripheral vision still allows me to perceive this almond effect.

Now most of the people would agree that the edges of the "real" tower -- not the apparent one -- are of course parallel (they would prove it by taking a ruler and measuring the width of the tower at different places). So this tells us something about the meaning of the word "real" : what is considered "real" is not what we perceive but rather an artificially reconstructed idealisation of the perceived objects, that is abstracted from an infinite series of representations acquired from different points of view.

In other words, to "see" a physical object, it is necessary to look at it from all possible sides, travelling across an entire virtual globe around it -- or rotating it in all possible ways in our hand. But in fact we quickly get so good at it during our formation years that just a few glimpses at an object (provided it is not too extraordinary) and we are able to construct a very efficient mental image of its "real" shape.

What about its colour ? Perhaps you would say its colour is what you see when it is lit with pure white light, but you have to take into account the particularities of your visual organs (imagine you're daltonian). The "true" colour of an object is naturally taken to be the colour that most of us would agree upon, i.e. it is defined intersubjectively. [Aristotelian philosophers referred to the colour as an example of "secondary quality" and opposed it to "primary qualities" such as the shape. Throughout history the number of primary qualities kept on decreasing, until it reached absolute zero with Hume (not quite in fact maybe...). My belief is that this distinction is not pertinent, that every quality is secondary.]

Go further : what does the concept of "liberty" "really" mean ? [yes, I know, I am not fully happy with my use of inverted commas myself...] It is also clear that the definition of any concept will require some sort of concertation between the individuals of the group within which the concept is in use. So let me formalize that in the following

Lemma 1.1 The "reality" of an object (either physical or conceptual) is determined by intersubjective agreement.


Keep that in mind, switch it off, and tell me what you see in the picture below. Nothing ? Sure ?


Still not ? What about now ?


Yes, no ? HA ! NOW you see the Dalmatian don't ya ? [Shit I start talking like Palin now ; )]
I saw this picture in an online lecture about cognitive psychology and the lecturer asked the lady that said "HA" the loudest what happened on the screen at that moment. She replied "On the screen nothing, in my brain something happened," which the lecturer, very pleased, repeated : "On the screen nothing, but in the brain -- I couldn't have said any better." At the time I found it rather obvious (selbstverständlich as the German say), but this morning when I woke up I realized it wasn't so. (I should have been alarmed by the fact that the expert's analysis coincided with the old lady's plain common sense, whereas one would expect that profound science would reach the extreme boundaries of common sense and beyond...)

It is NOT obvious that the "real" picture on the screen did not change before and after the realisation of its representational content. Just use Lemma 1.1 : once the entire audience has identified the representation of the Dalmatian in the picture (and you too, and me), it CANNOT be denied its share of "reality".


(Without elaborating any further, I suspect that this kind of considerations should reach their full flavour in the context of the foundations of quantum mechanics...)

(Rigid philosophers like Bertrand Russell would use arguments such as "The table I write on, I can touch it, so it exists, and it exists even if I close my eyes" etc. My impression is that he is under the same spell than the old lady, were she asked to "un-see" the Dalmatian once she's seen it. Very difficult to do, I'll have you know ! The only way I can get myself to do it is by focusing on a small fraction of the picture. That again seems to indicate that "de-realisation" effects are to be expected in the microscopic realm.)